Tel un magazine féminin, Décalez! vous parle aujourd’hui du corps
Il fait beau, il fait chaud. Ça sent le gaspacho et la chipo. Les invitations plage et barbeuk pleuvent au même rythme que les injonctions au « corps parfait » pour cet été. Le fameux « summer body » est celui qu’on exhibe sur les plages bondées, histoire d’être dans la norme au milieu de 92000 autres personnes qui nous feront éventuellement sentir que notre corps est « trop » ou « pas assez ». Parallèlement, l’acceptation de ce dernier est le nouveau « must be » : fini les régimes, à la poubelle les complexes, aux chiottes les canons de beauté ! Entre affirmation de soi et diktats de la norme, mais où est notre propre corps ?
Cette question sponsorisée par Télérama est prégnante dans le monde de l’entreprise. Au sein de ce microcosme, notre cher corps ressemble à une enveloppe dans laquelle… Oh ! Surprise ! Il n’y a rien ! Oui, une enveloppe vide que l’on peut certes customiser (à base de costard-cravate ou de blouse bleu-blanche) mais qui semble étrangement vidé de sa consistance.
Planqué derrière un ordinateur, contraint au silence de la douleur pour les durs labeurs, nourri au lance-pierre ou au café de la machine Selecta, on fait un peu comme si il n’existait pas[1]. Et on sait tous qu’ignorer l’ami qui est là pour nous, c’est pas très sympa.
Votre corps s’exprime, écoutez-le
Le syndrome du « corps mis sur la touche » est particulièrement notable lors de nos formations à la prise de parole en public. Le corps est déserté, au profit de la qualité supposée du message transmis. Les stagiaires arrivent généralement avec l’envie du discours performant, voire parfait. Or, 55 % de la perception d’un message se réalise à travers le langage non-verbal, à savoir : votre posture, vos mimiques, votre regard, les mouvement de vos mains, etc.
Autrement dit, votre corps parle plus que vous. Autant faire connaissance avec lui, histoire d’éviter les incompréhensions et les malentendus.
En prise de parole, votre posture conditionne à la fois votre message et la perception que l’auditoire peut avoir de vous. Un bon ancrage au sol est la garantie d’une présence. Vous êtes là, vraiment, et non à côté de votre corps. Il en est de même avec votre regard. Lorsqu’il est maintenu vers votre public, l’interaction avec celui-ci est maintenue tout au long de votre discours. Il acte votre présence et votre prise en considération de l’Autre (avec un grand A), qui se sent de fait concerné par ce que vous dites.
Vos expressions faciales, quant à elles, donnent un indicateur de ce que vous vivez à l’instant présent. Elles donnent donc des signaux qui attirent l’empathie, et permettent à vos interlocuteurs de se situer par rapport à vos propos. On ne ressent pas la même chose lorsque quelqu’un dit « je vous ai compris ! »[2] avec un grand sourire ou avec un regard sévère.
Pensez à votre corps, encore et encore
Nous sommes persuadés que vous êtes d’accord avec ce que vous lisez (ou presque, tout du moins). Mais lorsque nous demandons à nos stagiaires de s’auto-évaluer sur leurs compétences d’orateur, aucun d’entre eux ne cite un atout/défaut directement lié au corps. Et même si les éléments qu’ils citent ont des conséquences corporelles, le lien n’est jamais fait avec notre chère enveloppe.
Ceci est particulièrement patent concernant le stress. Celui-ci est toujours vécu comme un enfer intérieur, sans avoir identifié quelles étaient ses manifestations extérieures. Quand on voit où le bât blesse, il est plus simple de le panser.
Telle une amitié qui dure depuis 40 ans, votre corps est utile et précieux. Lors d’une prise de parole en public, il peut certes vous révéler, parfois vous duper mais nous vous assurons qu’il est au final un véritable allié pour communiquer. Et ce, quel que soit son gabarit.
Lorsque l’entreprise prendra soin des corps, le paradigme du travail subira alors une réelle révolution. Pour le moment, évitez de l’oublier dans votre sphère professionnelle. Parce qu’il vous indique, parce qu’il vous guide, parce qu’il donne des signaux, parce qu’il est le produit d’une histoire qui fait que vous êtes vous et que vous êtes là, maintenant.
Mais par pitié, ne laissez pas la société lui dicter ce qu’il doit être : ça ferait mauvais genre.
[1] Pour citer Khaled dans le texte
[2] Pour citer De Gaulle dans le texte