Conduire le changement ou changer de conduite ?

Le normal, vous en conviendrez, c’est chiant. Le propre de la norme est de dicter et d’uniformiser. Bref, le changement est devenu chiant.

Un surfeur sur sur une vague.

« Changement is the new normal »

Le normal, vous en conviendrez, c’est chiant. Le propre de la norme est de dicter et d’uniformiser. Rien qui ne dépasse du cadre, rien qui ne vient dynamiter l’ensemble. Bref, le changement est devenu chiant. CQFD.

In fine, c’est peut-être lié au fait que le changement, on le voit partout. À la manière du concept de « bienveillance », son omniprésence le vide de son sens. Effet de mode ou effet de manche, le changement est sur toutes les lèvres, même dans le monde de l’entreprise. On change de coupe de cheveux, de partenaire, de travail, de ville, de régime alimentaire, de style vestimentaire, d’amis et même parfois de vie. Il est de bon ton de changer partout, tout le temps, dans tous les aspects de sa vie. Mais pourquoi ? Parce qu’il faut, parce que la routine, parce que c’est comme ça que ça marche. Le changement, pour beaucoup, est une rupture nette : il y a l’avant, il y aura l’après.

Mais est-ce que tout changement indique une rupture aussi brutale ? Est-ce que le changement peut induire un « faire avec » ? 

Ces questions de sens doivent se poser dans les entreprises désirant mener à bien la fameuse conduite du changement. Devenu une sorte de Graal, l’équipe de Décalez ! se voit régulièrement sollicitée pour accompagner cet objectifParce qu’il s’agit bien d’un but à atteindre, et non d’un moyen.

Changer oui, mais ça veut dire quoi ?

D’après Le Larousse, on trouve pas mal de sens différents au verbe « changer ». Il peut intégrer la notion de troc, de conversion, de remplacement, de modification, de rupture ou encore, de transformation[1]. Nous pouvons ainsi constater que du simple échange à la transformation, il existe plus de 50 nuances de changement.[2]

Conduire le changement d’une entreprise ressemble alors à un champ d’actions extrêmement vaste, où la notion de degré et d’évaluation est primordiale. Entre réalité et ambitions, on oublie souvent que cette évolution doit partir de l’existant, à savoir l’organisation en question et ses possibilités. Incluant les êtres humains qui la font vivre.

Eh oui, on ne peut espérer un changement sans prendre en compte tous les rouages d’une structure.

Changer oui, mais pourquoi ?

Dans un monde qui change[3] de paradigme[4] à toute vitesse[5]la capacité des organisations et des individus qui la composent à s’adapter est devenue cardinale. On parle de cette fameuse agilité depuis quelques décennies pour désigner ces entreprises qui réussissent à surfer sur les difficultés afférentes à l’économie mondiale.

Le changement consisterait donc à être capable de s’adapter aux contraintes, et ceci, rapidement. Il est donc fort séduisant pour les grosses entreprises et collectivités – souvent régies par une rigidité inhérente à leur taille et/ou fonctionnement – de tendre vers ce modèle d’agilité inscrite dans l’expression « conduite du changement ». Ici, le changement n’embrasserait alors pas le large prisme qui lui incombe, mais en revêtirait un seul aspect : celui des entreprises en transition ou libérées.

Loin d’être libérées délivrées par ce modèle, les organisations qui souhaitent le revêtir pensent outils et techniques. De manière très bien intentionnée, et sans doute éclairée. C’est en oublier parfois que tout changement nécessite une phase d’acculturation pour être bien vécue par les êtres humains.  Et qu’à vouloir aller trop vite en appréhendant le changement sous ses dimensions les plus visibles, on se heurte bien vite à la très fameuse « résistance au changement ». 

Et c’est bien normal : on ne remédie pas à des années d’expérience et de manière de faire en un claquement de doigt. Rappelons-le : le changement est un objectif, pas un moyen. Il est donc nécessaire d’y aller étape par étape, en embarquant tout le monde dans ce processus de transformation.

Changer oui, mais alors comment ?

Quitte à en décevoir certain(e)s, il est difficile de « changer les hommes, changer les choses avec des bouquets de roses » contrairement à ce qu’affirme Laurent Voulzy. Conduire le changement, c’est avant tout conduire des femmes et des hommes à modifier leur lien au travail, à l’Autre, à soi. Pas une mince affaire ! C’est donc un cheminement profond qui invoque la politique des petits pas.

Il est ainsi important de :
  1. Sonder les collaborateurs pour connaître leur avis et leur confiance dans la conduite du changement visé (cela paraît évident, mais ne l’est pas). L’accord quasi unanime sur le changement est un facilitateur incroyable.
  2. Travailler sur la posture nécessaire à l’accueil du changement : on ne le dira jamais assez chez Décalez !, mais avant d’adopter des outils, il faut bousculer les postures. C’est complexe. Par exemple, on vous conseille fortement de faire comprendre à une femme qu’elle n’a pas confiance en elle en bricolage à cause d’une éducation genrée dont elle n’est pas responsable AVANT de lui filer la perceuse qui lui fout les jetons.
  3. Prendre connaissance au fur et à mesure des émotions et dynamiques de travail que l’accompagnement génère.
  4. N’oubliez pas que la conduite du changement, c’est un changement qui doit concerner tout le monde : de l’homme de ménage à la PDG.

Vous l’aurez compris, cette norme du changement est biaisée. Elle est évoquée comme une rupture, alors qu’elle est une continuité. Elle demande de la réflexion, des précautions, et beaucoup de temps. Cette normalisation semble représenter un modèle utopique de l’organisation 2020.

Or on ne peut pas plaquer un modèle donné sur une autre entité en en attendant les mêmes résultats. Le changement est protéiforme et s’adapte à l’organisation. Ce n’est pas à l’organisation de s’adapter au changement.

L’Histoire nous a bien montré que ça ne fonctionnait pas : la colonisation, la flexisécurité à la danoise, etc. Avant d’être l’organisation de demain, partez de ce que vous êtes aujourd’hui. Faites avec le « maintenant » pour construire au fur et à mesure : c’est le principe même de l’improvisation théâtrale (et du BTP, mais c’est un autre débat).

Vous verrez : en général, ça finit par de belles histoires.

[1] On a volontairement oublié la définition recouvrant le fait de mettre des couches propres à un bébé, vous nous en excuserez.

[2] Pardon pour la référence

[3] Poncif n°1

[4] Poncif n°2

[5] Poncif n°3

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